Anecdotes autour du Cap Vert

Publié le par Une île deux portraits

Balade autour de Sal Rei

 

Au cap Vert nous avons passé quelques semaines chacun de son côté, moi avec Sophie, Stan avec Joannie, à découvrir les îles en sac à dos notamment. De ces balades nous avons raméné quelques anecdotes, dont voici quelques exemples.

 

Sal Rei est la ville principale de l’île de Boa Vista, mais une ville modeste tout de même ! Un petit port de pêche où accostent quelques bateaux de transport débarquant îliens et approvisionnements, une plage de sable clair qui borde la ville, recouverte de tessons et de carcasses de poissons, quelques rues bardées de maisons colorées, à un ou deux étages, fissurées et coloniales pour certaines, une place en son centre qui accueille toute la vie des lieux le soir venu. C’est très « pittoresque », mais Sal Rei se développe sous l’impulsion du tourisme… en périphérie de la petite ville, des bâtisses en parpaing de trois ou quatre étages assemblés à la va-vite émergent comme des champignons au milieu de rues non pavées, balayées par la poussière des alizés, grues et vacarmes des marteaux qui s’activent au petit matin. Des panneaux grands formats présentent les desseins des promoteurs immobiliers étrangers pour cet eldorado en construction… visiblement, tout y sera vert et souriant. Mais les salines autrefois richesse de l’île, s’étouffent maintenant par la ville, un terrain de foot à droite, une future balade de front de mer à gauche, Sal Rei progresse… et derrière cette expansion, sans transition c’est un espace encore vide.

 

Passée la dernière grue nous marchons sur une route pavée qui mène vers le nord mais qui très vite s’arrête net, laissant la place à une vague piste de terre, de sable et de cailloux qui poursuit sa trace. A ce niveau, sur le côté du chemin, un mur blanc clos le nouveau cimetière de Sal Rei : comme dans un récit du farwest, quelques tombes sont marquées d’un monticule de terre et d’une croix dont certaines sont ornées de fleurs. Mais l’espace est presque entièrement libre… étrange vision que celle d’un cimetière tout neuf et « peu fréquenté ».

Nous quittons la piste pour nous promener au milieu du paysage, avec le vague projet de rejoindre la côte nord à deux heures d’ici et d’aller y contempler l’épave qui rouille depuis quelques décennies. Cette balade nous fait traverser une vaste plaine, les dunes du bord de mer se mélangeant indistinctement avec les collines dans un unique substrat, le sable, à perte de vue. Y poussent une végétation rase très variée avec une multitude de verts, dont nombre de plantes succulentes, certaines en fleur. Parfois le vent a soufflé les couches superficielles laissant reparaître d’antiques blocs coralliens blancs comme des os. C’est fantastique de déambuler dans cet univers sans suivre de chemins, marchant à peu près dans une direction et sachant bien que nous ne pouvons nous y perdre.

 

Nous nous élevons un peu plus sur la colline et derrière nous Sal Rei diminue, alors que devant, la côte nord se dessine avec, au bout d’une plage blanche, la masse sombre de l’épave posée dans le ressac. Nous rejoignons cette plage, enlevons nos chaussures de marche et enfonçons avec délice nos pieds dans l’eau fraîche. Si les plages touristiques de la côte Ouest sont nettoyées et ressemblent à des cartes postales, ici rares sont les visiteurs mais nombreux sont les déchets apportés par la mer… cordages, bouées, plastiques, bois flottés, des bouteilles par milliers, et quelques carcasses de tortues... Enfin si l’on en fait abstraction, cette plage est magnifique. Par endroit le sable s’amoncelle dans quelques recoins du relief avec une légèreté de soufflet, le pied s’y enfonce doucement. Autour, le sable prend un autre aspect en formant des constructions verticales solides tout en dentelles et en stalactites, c’est stupéfiant. Et sur le reste de l’estran, c’est un sable blanc teinté de gris ou courent des crabes hauts sur pattes qui sonnent la retraite à notre venue et s’enfournent dans les vagues pour nous échapper, leurs yeux dépassant de l’eau pour vérifier qu’ils nous ont bien semé… ce qui n’a pas toujours été le cas.

Finalement nous arrivons à l’épave, une grosse masse de rouille posée sur la plage et battue par la houle, sectionnée en deux au niveau de la proue. C’est un ancien bateau de marchandise. Bon endroit pour déjeuner, nous nous abritons du vent derrière une dune, profitant de la solitude des lieux.

Pour le retour, nous pointons du haut d’un promontoire pour la palmeraie qui jouxte Sal Rei. Malgré l’aspect dunaire et aride de Boa Vista, des eaux souterraines alimentent encore quelques unes de ces oasis. Nous déambulons, seuls encore, au milieu de palmiers dattiers, abrités de leur ombre. Ce n’est pas un pâturage de montagne, mais tout ce vert dans un paysage raz, ça fait tout de même du bien.

A la sortie de la palmeraie et à proximité de la route qui rapidement mène à Sal Rei, nous tombons sur une sorte de bidon ville, assez petit, resté en marge du « progrès » ; baraquements précaires, taules, patchwork de planches assemblées en tout sens, regards curieux, rouille, et tout un tas de détritus aux alentours…l’envers du décors !



Deux nuits au Cap Vert

 

Une nuit à Santa Maria

En attendant Sophie qui arrivait le lendemain à l’aéroport international de Sal, j’ai pris une petite chambre très sympathique à Santa Maria, tout confort avec une douche, une télé retransmettant TV5 Monde et un ventilo. Le lit était pas mal et je me suis endormi comme une masse avant même que 22h00 ne sonne.

Vers 1h00 du matin, je me réveille tout à trac ! Dans mon rêve, s’est insidieusement glissé le chant d’un cricket, strident et sournois. Un mauvais rêve sans doute, j’allume la lampe de chevet, me lève, vais me passer le visage sous l’eau dans la salle de bain. Pendant que je me rafraîchissais ainsi dans mon baquet, j’entends très distinctement le chant du cricket… cette fois si je ne rêve pas, il y a un cricket dans ma chambre ! Je déboule, martial, le visage encore ruisselant, mais le chant n’est plus ! Suis-je fou ?

Le regard circonspect, je me glisse très doucement dans mes draps, l’oreille attentive et reste immobile cinq minutes à contempler le ventilo qui poursuit son inéluctable rotation… mais rien ne vient, je dois être fatigué ! J’éteins donc la lumière en essayant de reprendre le cours normal de ma vie, mais pas dix minutes plus tard le revoilà !!! Je me jette sur l’interrupteur, m’éjecte du lit la pupille rétrécie près à me jeter sur mon mélomane d’invité ! Mais rien ! Rien !

Ok, je commence à piger son petit manège, s’il veut jouer au plus malin, je suis son homme ! J’étudie chaque recoin de la pièce pour le localiser, car il est bel et bien ici, aucun doute possible depuis sa dernière prestation. Il me reste juste à le trouver, à lui envoyer un gros coup de claquette sur la tronche et au dodo. Mais sachez que l’animal est plus rusé qu’il n’y paraît. Il a su se dissimuler tout le temps de mon inspection, usant de stratèges d’une certaine finesse et m’envoyant derechef au lit sans butin. La suite du manège est parfaitement identique : lumière close, lapse de quelques minutes, et rebelote…concert de cricket en La mineure, je me propulse de ma couche comme une furie, la claquette érectile et la rage au cœur, mais mon tortionnaire se replonge dans un mutisme lâche et calculé ! Cette fois ci je me mets à déplacer les meubles, à détailler le dessous du sommier, je vais jusqu’à suspecter qu’il se cache sur les pales du ventilo… oui je sais ça paraît dément voir stupide comme idée mais il était déjà tard et comprenez que c’était la guerre ici, l’homme déraisonne et s’y créé des démons ! Le mien je ne le vis jamais… même après que j’eu mis en application mon stratagème le plus fin (Machiavel aurait été fier de moi) : je suis resté je pense une dizaine de minute debout sur le lit, statique mais l’œil alerte, pour lui faire croire que j’étais un meuble, près à décocher ma sentence meurtrière au premier signe de grésillement. Mais mon adversaire était plus fort, plus préparé et je dois avoué que cette nuit des braves il eu raison de moi… une crampe venant dans ma cuisse gauche je du mettre fin prématurément à mon plan, et je me recouchais vaincu, attendant que sonne le son de sa victoire : tchhiii tchhii tchiii tcchii, le son du criquet !

J’allumais TV5 monde et commençais alors une longue nuit d’Ushuaia Nature et de Riposte.

 

Une nuit à Sal Rei 

Sofie et moi, après notre virée sur Sao Nicolau, sommes partis à Boa Vista pour une dernière semaine de baignades en eaux claires.

Suivant les conseils de notre guide lonely planet, nous avons pris directement une chambre à l’hôtel Bom Sossego, « meilleur rapport qualité prix », la parfaite adresse en plein centre ville de Sal Rei, à deux pas de la petite place centrale, mais dans une rue en retrait pour avoir un peu de calme en ces temps de fêtes animées (nous étions deux jours avant Noël !). La taulière nous présenta une chambre avec terrasse donnant sur la rue, mais depuis le temps que nous étions au Cap Vert, on ne nous la faisait plus… les chambres sur rues sont bruyantes au petit matin quand la ville se réveille, et le soir aussi quand un type décide de terminer sa bouteille de grog juste sur le perron ! Bref on demande s’il est possible d’avoir une chambre plus à l’écart de la rue. Pas de problèmes ! On s’installe dans nos quartiers sommaires, on se prend une petite douche dans la salle de bain commune sur le pallier, on se fait une petite sieste dans la quiétude de cet après-midi tranquille. Le reste de la journée on vague à nos occupations, profitant de la plage après une semaine à randonner dans la sècheresse de Sao Nicolau, un petit resto le soir venu en terrasse et nous voilà de retour à Bom Sossego, savourant à l’avance la vrai grosse nuit de repos à venir. A peine avons éteint la lumière qu’on entend au loin comme un chien qui jappe. C’est sympa, ça donne un petit côté « authentique ». Mais un deuxième canidé commence à grogner un peu plus près, peut être à trois rues d’ici, puis un troisième abois plus dans les aigues à deux rues, un autre se joint en aboiements secs et rauques juste dans la ruelle derrière et voilà que le ténor de la bande se met à hurler franchement à la mort juste dans la cours ou dans l’appartement d’à côté. Ce dernier excite tous les chiens de Sal Rei qui entament leur concert nocturne. Sophie dort déjà, mais malheureusement me revient à ma mémoire douloureuse, le souvenir du cricket de Santa Maria, et dans mes rêves agités j’imagine des crickets et des chiens insomniaques me hurlant aux oreilles. Je n’arrive pas à dormir et commence à m’agiter, donc à avoir chaud et donc à maudire les chiens cause de ce tourment… je m’imagine en robe de chambre, le bonnet de nuit sur la tête, arpenter les rues de Sal Rei avec de gros godillots coqués pour botter l’arrière train de ces quadrupèdes trop expressifs !

Malheureusement cette agitation réveille bientôt Sophie qui jusque là n’avait pas fait de fixette comme moi sur la musique qui se jouait là dehors, et bien entendu Sophie se joint à mon agacement… je l’imagine telle une succube chevauchant un destrier de mort et fauchant les chiens errants de son immense fléau !

C’est à cet instant propice, que le couple de l’appartement d’à côté, qu’on entend distinctement grâce aux cloisons en papier cigarette et feuilles de bible, choisit de s’avoiner copieusement en Portugais ou en Créole… à 4h00 du matin, j’ai toujours du mal à faire la distinction quand ces langues sont hurlées ! Pour finir je décide de me confectionner des boules kiès à l’aide de papier toilette que je tasse dans mes conduits auditifs et parviens enfin à m’endormir avant que le jour ne se lève.

Une demie heure plus tard, un ouvrier commençait sa journée de labeur. Le travaille commence tôt ici pour éviter les grosses chaleurs de l’après midi ; alors voilà notre artisan qui scie, coupe, perce, ponce, et surtout cloue et cloue encore à l’aide de son lourd marteau…il cloue à n’en plus finir, comme un forcené… oui, mais sur la terrasse d’à côté ! Le PQ n’y a rien fait, nous nous sommes réveillés sous les coups de butoir avec la sensation que les cloues, c’est dans nos têtes qu’il l’enfonçait !

Dans la matinée, les yeux rougis et le teint blafard, nous sommes partis en quête d’un  autre hôtel de préférence dans un coin très excentré, voire carrément inaccessible et avons fini par trouver notre bonheur pour le reste du séjour !

 

 

Instants passés avec l’équipage de Saï-Saï


Retrouver des équipages avec lesquels on a vécu de bons moments est l’un des grands plaisirs du voyage. Chaque fois que nous arrivons dans un nouveau mouillage, dans un nouveau port, nous faisons l’inventaire des bateaux présents. Miti sera-t-il là ? Black Bird réapparaîtra-t-il ?...Et chaque fois nous y retrouvons une connaissance, ou mieux, des amis.


Suite à la traversée Canaries – Cap Vert, le bout de chemin entamé avec Olivier s’est poursuivi durant quelques semaines, même si chacun a regagné son bord et son équipage. Joannie m’a rejoint (Yann étant alors avec Sophie), alors qu’Olivier a retrouvé son confortable navire et ses acolytes : son frère Nico, son ami Zitoune, et leur ami-bateau-stoppeur Jean-Paul (au passage, à noter que la communauté des bateau-stoppeur est beaucoup plus importante qu’on pourrait le croire. Nous en croiserons un certain nombre par la suite).

Nos routes se sont de nouveau croisées sur l’île de Boa Vista. A quelques encablures de la « capitale » Sal Rei, dans une baie sableuse aux eaux claires et peu profondes, nous avons déposé nos ancres l’une à côté de l’autre. Nous sommes les seuls voiliers au mouillage, chose que j’attendais je l’avoue depuis longtemps étant donné que la dernière fois, c’était à Arosa en Espagne. Kaneka et Saï-Saï sont à mi-distance entre les dunes de Boa Vista, parsemées de palmiers dattiers plus ou moins vaillants,  et une petite île aux allures de paradis. Mais ce qui l’en éloigne définitivement, ce sont les amoncellements de déchets qui jonchent son rivage. Un classique sur ces îles, avec une prédominance des sacs plastiques, des bouteilles et bidons, ainsi que des morceaux de filets de pêche. Sous la surface de l’eau, c’est l’heureuse surprise : les sandows de nos fusils de chasse sous-marine devraient claquer d’ici peu ! La vie est bien présente, avec son lot de poissons perroquets, écureuils, soldats, rougets… En dehors de moi, personne n’a jamais piqué de poisson. Qu’à cela ne tienne, j’initie avec plaisir la compagnie à cet art, où la discrétion, la précision et l’attention priment.


Arrivée de nuit de Saï Saï au mouillage de Sal Rei toute guirlande dehors!

Les jours qui suivirent ont été en bonne partie passés la tête sous l’eau le matin, dans les fourneaux le soir. Poisson perroquet au four, recouvert de rondelles de tomates, d’oignons, d’ail et d’un copieux jus de citron… Le plus accroc est Olivier : nous sautons à l’eau dès que nous en avons l’occasion, traquant sans relâche notre déjeuner et notre dîner. La veille de Noël, après quatre jours passés sur cette terre de sable et de roche, Saï-Saï prend la direction des îles du nord, nous laissant Joannie et moi à notre beau réveillon.

Intérieur de Boa Vista - caillasse, dunes et végétation rase

Paysage de palmiers-dattiers

Réveillon de Noël, huirlande et sariette de Noël!

C’est sur l’île de Sao Vicente, à Mindelo, que nous nous croisons ensuite. A notre tour, à Joannie et moi, de vivre une initiation. Les trois équipiers du Saï-Saï sont moniteurs de parapente et trimbalent leur matériel, dont un parapente biplace et un paramoteur, cette hélice qui tourne dans le dos dans un bruit de gros bourdon. Parenthèse. Saï-Saï, il est bon de le préciser, signifie en wolof (langue sénégalaise) « coquin », ou encore « voyou ». Par extension « chaud lapin ». Fin de parenthèse. J’embarque le premier pour ce vol. Nous décollons à l’aide du paramoteur depuis une plage bordée d’une falaise de 2 à 300 mètres de haut. Le pilote de mon baptême est Zitoune, tout aussi « saï-saï » qu’Olivier, mais très professionnel. Equipé d’un harnais, je suis placé juste devant lui, lui-même coincé entre le paramoteur et moi. Pour décoller, il faut courir, courir. Le bourdon du paramoteur fait un bruit assez insupportable, dont on se protège à l’aide de boules Quiès. Le but est de courir tant que l’on touche le sol et même après, ce qui rend la situation assez comique lorsque l’on pédale dans le vide au cas où l’on viendrait à toucher de nouveau la terre ferme. La montée me plonge directement dans un autre monde, où je n’ai plus aucun repère. Nous survolons la mer dont le bleu est de plus en plus intense au fur et à mesure que les fonds grandissent. Nous côtoyons un cratère de volcan au cercle parfait. Enfin, nous atteignons notre altitude maximale, à flanc de la falaise. Zitoune coupe le moteur, et nous voila bercés par le vent. Un peu comme à bord d’un voilier, on sent la pression du vent exercée sur la voile. Un balbuzard a construit son nid à flanc de falaise, au sommet de la paroi de roche brune, percée d’innombrables trous dus à son origine volcanique. Visiblement, un oisillon habite les lieux car le volatile ne tarde pas à nous attaquer, serres en avant. Il faut reconnaître le courage de cet oiseau car le parapente à une dizaine de mètres d’envergure. Un petit mouvement de voile de la part de Zitoune, et l’oiseau fait demi-tour, tout de même dominer par notre taille. Arrive le moment de la descente, où va s’exprimer toute l’envie de mon moniteur de faire partager ses sensations. Nous entamons de vastes mouvements nous balançant de droite à gauche, avec une amplitude croissante. Les accélérations sont surprenantes et déjà tous mes nouveaux repères se font moins précis. Suis-je à l’horizontale, à la verticale ? Comme si cela n’était pas suffisant pour rendre ce vol inoubliable, Zitoune entame une descente rapide en effectuant un nombre incalculable de 360° successifs. Nous tournoyons à grande vitesse en direction du sol. Les détails grossissent à une vitesse que je n’aurais pas soupçonnée : je distingue les branches des buissons, puis leurs feuilles ; les silhouettes des terriens deviennent de plus en plus nettes. La tête tourne, et je ne peux m’empêcher de crier ! Soudain la voile se redresse, nous frôlons la dune, et avec une grande douceur, je n’ai qu’à me mettre debout, mes pieds touchent le sol.


Le site du vol

Les préparatifs...

Olivier en vol, sous le regard de Jean-Paul

Le volcan que nous avons survolé

Santo Antao, une journée dans les nuages

 

L’île de Santo Antao est située au nord-ouest de l’archipel. Depuis la ville de Mindelo, capitale culturelle du Cap Vert, berceau de la morna – ce style musicale mélancolique révélé au monde par Césaria Evora - elle n’est accessible qu’en ferry, dont il existe deux modèles : le bon vieux petit bateau, qui est aussi le moins cher, donc préféré par les locaux, et le gros ferry moderne, plébiscité par les touristes effrayés à la seule vue du concurrent ou simplement ignorants de son existence. Joannie et moi (Stan) préférons nous mêler aux capverdiens, donc nous optons pour le tas de tôle rouillée. Quelques miles et d’innombrables vomissements de capverdiens plus loin – ils ne supportent pas la mer, donc la traversée se fait au son des estomacs qui se tordent et aux odeurs aigres de la cachupa pré-digérée – nous débarquons sur l’île la plus verte du Cap Vert. Santo Antao est un espace idyllique pour le randonneur car son relief escarpé appelle à enfiler de bons godillots et à attaquer ses pentes vertes. Notre séjour s’est donc déroulé au rythme des kilomètres avalés et des dénivelés dévorés.


A peine les pieds posés à terre, non mécontents de franchir la passerelle du ferry bondé de passagers aux visages éprouvés par la dure épreuve de la mer, nous enfilons nos sacs à dos, direction le centre de la petite ville portuaire de Porto Novo. Nos jambes nous titillent déjà, et nous ne tardons pas à  trouver un aluger qui nous conduit sur l’autre versant de l’île. Le contraste existant entre le quart nord-ouest et le reste de Santo Antao est saisissant. Un quart d’une nature verdoyante, de rivières et terrasses fertiles ; trois quart de sols arides, impropres à toute culture. L’explication en deux mots : les nuages en provenance de l’Atlantique encore chargés d’humidité butent sur la haute chaîne montagneuse où ils déversent leur précieux liquide, ne laissant au reste de l’île que quelques rares gouttes. Une situation qui nous rappelle beaucoup celle de La Palma aux Canaries.


Sur les cinq jours passés dans de cette verdure, quatre seront consacrés à des randonnées toutes plus belles les unes que les autres, chacune ayant son originalité, mais ayant toutes en commun de bonnes portions de grimpe.


Vallée luxuriante sur la route de Paul

Petit récit de l’une d’entre elles. Un petit déjeuner copieux dans le bide, nous quittons le village de Paul pour rejoindre celui de Janela, où nous entamons un itinéraire dessiné par nos soins, ayant toute confiance dans le hasard, principal inspirateur de ce tracé. Nous avons pris soin de charger notre sac à dos de bons produits locaux : goyaves, dont l’île regorge, fromage de chèvre frais, carottes… La randonnée débute à l’embouchure d’une vallée profonde.

Village de Janela, point de départ de la randonnée

Les premières pentes de la rando

Nous sommes à deux pas de l’océan, et pourtant quelques centaines de mètres suffisent à nous plonger dans un univers montagneux. Nous dépassons un groupe chargé de nombreux paquets. La route que nous venons de quitter est en effet le dernier endroit atteignable en voiture, et le ravitaillement des villages, hameaux et maisons isolés, se fait à dos d’hommes ou d’ânes, sur les incroyables sentiers muletiers que nous suivrons tout au long de la journée. Il faut parfois de nombreuses heures de marche éprouvante aux habitants pour atteindre leurs demeures. Bien souvent, ils crapahutent à vive allure, pieds nus, nous impressionnant chaque fois car s’ils ne nous doublent pas, c’est qu’ils portent une lourde charge. Et dans ce cas, leur rythme se rapproche du nôtre. Le chemin serpente au milieu d’un étonnant paysage agricole. Entre les imposants blocs de pierre, chaque centimètre carré de sol est occupé par quelques cannes à sucres, un bananier ou encore un papayer. Sur les pentes raides, toujours ces terrasses escarpées où s’alignent quelques rangées de maïs ou de patates douces. Des poules suivies de leurs poussins grattent le sol ça et là, à la recherche de leur pitance. Les coqs font raisonner leur chant, qui se propage au loin, guidé par les versants montagneux. Le paysage a un côté austère évident. Les parois rocheuses, hautes de plusieurs centaines de mètres laissent la part belle à l’ombre. La roche est sombre et les habitations rudimentaires. C’est la présence de cette verdure baignant dans un filet d’eau courante, ainsi que la beauté des habitants croisés qui donne à cette austérité tant de beauté.


Nous cherchons notre chemin en questionnant fréquemment les personnes croisées car la carte est imprécise et les intersections nombreuses. Au détour d’une imposante aiguille de roche, nous découvrons la suite de l’itinéraire, qui monte, qui monte, tel un chemin creusé à même une falaise. La route est large d’un bon mètre cinquante. Je parle de route car ce long chemin est entièrement pavé. Bientôt, les 1000 mètres atteints, nous pénétrons dans une épaisse couche nuageuse. D’après ce qu’on nous a expliqué, elle est très souvent présente. La visibilité est très réduite, et la fatigue s’accumule. Nous espérons à chaque lacet que le col, sommet de notre randonnée, sera atteint, mais il se fait longuement attendre, et pas une éclaircie n’est en vue. Le froid nous gagne progressivement, privés du soleil que nous sommes, de plus en plus en altitude qui plus est. Nous ne pouvons que deviner les a pics très certainement impressionnants que nous longeons. Nous regardons nos pieds, puisqu’il n’y a de toute façon rien d’autre à voir. Quelques 300 mètres plus haut, en quelques secondes seulement, alors que nous ne pensions plus voir ni sentir ses rayons réconfortants de la journée, le soleil apparaît ; le voile nuageux s’écarte et nous laisse admirer les hauteurs de l’île qui baignent dans un océan de coton. L’émotion est vive tant tout est allé vite. Débute alors le chemin des crêtes. Une marche de quelques kilomètres sur un chemin entouré de longues pentes. Ici encore nous découvrons des habitants, travaillant manuellement le sol de leurs terrasses. Nous nous situons sur une véritable frontière climatique. De là où nous venons, tout est verdoyant, de l’autre côté de la montagne, la végétation se fait de plus en plus rare au fur et à mesure que l’on approche la côté opposée de l’île. Quelques heures plus tard, nous entamons la descente, qui nous plonge à nouveau dans un parfait brouillard. Le soleil joue encore avec nous le temps de quelques lacets avant de disparaître totalement, et pour le reste de la journée cette fois.

  En quelques secondes, les nuages disparaissent

Joannie crapahutant sur le chemin de crête

Agriculteurs mettant en valeur une terrasse sur les hauteurs de l'île, sous la brume...

Chemin en lacets, tout pavé et fort pentu!

Petite ferme dans la verdure des cannes à sucres et autres plantations

Maisons nichées sur une paroi abrupte
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H
Avec qq retard…Meilleurs voeux pour 2009…(avec carte jointe à mon mail…histoire de ne vous faire oublier les "réalités" d'ici en France !!!!rires !!!…), de total succès dans la poursuite de votre expédition…Super récit…<br /> Oui échange "classes Aqua" toujours d'actualité… D'où questions:<br /> • Qu'en est -il de la pêche en ce pays (traditionnnel-côtière & industriel, large ?)<br /> • Y a t il réalisations ou projets aquacoles ?<br /> • Y a t il "pêche de loisir" (au gros ou autres…) ou sous-marine?<br /> •Y a t il des lycées, ou instituts professionnels, avec les quels il y aurait moyen de faire projet d'échanges ?<br /> Donc "nouvelles / questions d'élèves bientôt"…<br /> Bravo pour votre blog et bonne continuation<br /> PS: profiter bien de la musique…ramenez des CD… suis fan de Mayra Andrade…
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G
Taken est outrée par tes commentaires su les chiens cap verdiens.
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